Faut-il encore formaliser une charte de télétravail ? intérêt, mise en oeuvre et contenuLe télétravail est une réalité bien ancrée dans les entreprises et administrations depuis le COVID. Nombreuses sont celles qui l’ont déployé de façon contrainte et empirique (« sur le tas ») et même si les fonctionnements qui en résultent soulèvent des interrogations, beaucoup sont tentées d’en rester là : crainte de « soulever le couvercle » et de bousculer des modes de fonctionnement désormais calés, risque aussi d'ouvrir de nouveaux chantiers complexes (semaine de 4 jours ?) tant la liberté expérimentée à travers le télétravail a fait naître de nouvelles aspirations en matière de rythmes de travail. A travers cet article, je vais vous expliquer l'intérêt à mettre en place une charte de télétravail, vous partager des recommandations sur la façon de procéder et passer en revue les éléments essentiels à faire figurer dans ce document. Pourquoi une charte de télétravail ?De fait, rien n’oblige une entreprise à formaliser un dispositif de télétravail : un simple accord de gré à gré par mail avec les collaborateurs concernés suffit à formaliser l’accord du manager et donc de l’employeur. Néanmoins certains constats reviennent fréquemment dans les organisations qui n'ont pas posé de cadre commun à l’exercice du télétravail :
Evidemment il serait faux d’en faire un constat général et il existe beaucoup d’exemples où cela se passe très bien sans que l’entreprise ait formalisé un cadre de télétravail. Mais cela s'explique souvent par des décisions de déploiement cohérentes prises par les managers, ou par la nature de l’activité : il n’est guère difficile de mobiliser les collaborateurs à distance dans des activités où les processus sont fortement outillés et les tâches suivies (exemple: service client par téléphone). Dès lors quels sont les avantages à disposer d'un cadre de télétravail ? J’en vois principalement quatre :
Alors comment choisir entre une charte de télétravail et un accord collectif ? Les deux modalités sont possibles. L’accord collectif étant négocié avec les différentes parties prenantes a le mérite de les associer plus résolument, mais peut offrir moins de souplesse en terme de révision : il est soumis au calendrier de révision défini et les dispositions concernant le télétravail peuvent faire partie d’un accord plus large (et donc plus complexe à rediscuter) autour des conditions de vie au travail. L’avantage de la charte de télétravail est de permettre plus de souplesse, tant dans sa conception initiale (possibilité de co-élaborer mais d’arrêter les dispositions de façon unilatérale) que dans son actualisation. Comment mettre en oeuvre une charte de télétravail ?Le télétravail a un impact systémique sur les organisations, c’est-à-dire qu’il vient bousculer beaucoup de dimensions de la vie des organisations, et il serait par conséquent risqué de penser appréhender la complexité du sujet au niveau de la seule direction d’une entreprise. 1ère recommandation = associer les personnes concernées Comme il n’est pas possible de faire intervenir tout le monde, la bonne démarche consiste probablement à constituer un groupe de travail « ad hoc » constitué de managers, de collaborateurs appelés à télétravailler mais aussi de collaborateurs qui ne télétravaillent pas. Trouveront naturellement leur place dans un tel groupe de travail, et en fonction de la taille de l’entreprise, des personnes représentant les ressources humaines (DRH, qualité de vie au travail/ prévention, droit social) et l’informatique (pour la visibilité sur les équipements et systèmes), ainsi que les représentants du personnel. 2ème recommandation = s'appuyer sur l'expérience du télétravail, dès lors qu’elle est présente En voulant améliorer la pratique du télétravail, attention à ne pas remettre en cause ce qui marche bien ! Il s’agira donc de faire émerger ce qui est apprécié (et donc à préserver) et ce qui doit être amélioré. Connaissez-vous pour cela la méthode KISS comme Keep/ Improve/ Start/ Stop ? Elle permettra au collectif de dégager les pistes de travail, dont certaines relèveront de l’employeur et pourront prendre place dans une charte de télétravail, là où d’autres seront à mettre en œuvre directement par les managers et leurs équipes. 3ème recommandation = mener cela comme un projet Comme pour un projet, fixer les objectifs d'une charte de télétravail, son plan, son calendrier d’élaboration et le processus de validation et de communication. 4ème recommandation = éviter les chartes "trop bavardes" Si elle est d’une grande aide pour les managers, une charte de télétravail qui irait trop dans le détail pourrait empêcher les équipes d’adapter le déploiement du télétravail aux spécificités de leurs métiers (exemple : saisonnalité particulière limitant la possibilité de télétravail à certaines périodes). Le groupe de travail devra ainsi savoir limiter le degré de précision de la charte en différenciant clairement ce qui est d’un intérêt commun à toute l'organisation et qui doit figurer dans celle-ci, et ce qui peut être laissé à l'appréciation du manager et/ ou de son équipe et qui pourrait trouver sa place dans un guide de bonnes pratiques. Quel contenu prévoir dans une charte de télétravail ?1/ Expliquer ce qu'est le télétravail La charte de télétravail étant aussi un support de communication, elle est l’occasion dans une première partie de « camper le décor », c’est-à-dire rappeler ce qu’est véritablement le télétravail :
2/ Préciser les personnels éligibles Préciser quels sont les personnels éligibles doit venir rapidement derrière, sachant que l’éligibilité est liée aux activités réalisées et non aux postes occupés, ceci pour faciliter le télétravail de collaborateurs dont seule une partie des activités seraient télétravaillables. L’entreprise pourrait prédéfinir le type d’activités se prêtant bien au télétravail et celles qui ne s’y prêteraient pas du tout ou de façon limitée. Cette appréciation est directement corrélée aux modalités d’exercice et aux outils disponibles et peut donc varier fortement d’une entreprise à une autre. A titre d’exemple, il est impossible ou difficile de télétravailler dans des activités d’accueil physique, d’entretien des espaces, de travail sur des machines, de manutention ou des activités impliquant une synchronisation rapide et permanente. En revanche cela est envisageable largement dans des tâches de gestion financière, de communication, marketing, gestion de projet, …. Rappeler aussi que l'éligibilité au télétravail doit être appréciée de façon individuelle, en tenant compte non seulement des activités exercées mais aussi du degré d'autonomie de la personne dans la réalisation de ses missions. Ce degré d'autonomie mérite d'être qualifié objectivement par les managers concernés. 3/ Définir les modalités de télétravail Cœur du dispositif pour les collaborateurs, quelles sont les modalités de télétravail retenues par l’entreprise ? La charte doit préciser si le télétravail va se pratiquer à jours fixes par semaine, choisis avec le collaborateur (exemple : tous les mardis) et/ ou à jours flottants (en fonction des possibilités). Quelle sera l’amplitude autorisée ? c’est-à-dire le nombre maximal de jours télétravaillés par semaine, par mois ou dans l’année, sachant que certaines entreprises adoptent le modèle du tout télétravail là ou d’autres préfèrent le limiter à 2 ou 3 jours par semaine. Noter aussi qu’il s’agit bien de plafond et qu’individuellement les collaborateurs pourront bénéficier d’un nombre de jours différents en fonction des contraintes collectives de fonctionnement de l’équipe, de leurs activités et leur autonomie. Quels seront les lieux d’exercice du télétravail autorisés ? L’employeur peut avoir intérêt à les définir de façon restrictive (domicile ? résidence secondaire ? domicile d’un proche ?) de façon à garantir à la fois de bonnes conditions de travail (environnement matériel, qualité de connexion informatique) à ses collaborateurs et une certaine réactivité en cas de rappel sur site : est-il raisonnable de télétravailler certains jours à Lyon lorsque l’on est en poste à Rennes et que l’on est susceptible d’être rappelé rapidement ? Les espaces de coworking à proximité du domicile peuvent être une solution intéressante à proposer aux collaborateurs si leur installation à domicile, le risque d’isolement ou les conflits d’usage de celui-ci rendent difficile d’y télétravailler. 4/ Fixer le cadre horaire de travail Quels sont les horaires de travail sur les journées de télétravail (même modalités que sur site ? plages fixes/ plages variables ?) et comment sont-ils tracés (forfaitairement, pointage à distance, …) ? Si un salarié doit être rappelé, y a-t-il un délai de prévenance pour cela et si oui de combien de temps ? 5/ Rappeler les pré-requis Il conviendra aussi de rappeler les conditions même d’exercice du télétravail : les impératifs de connexion (couverture internet et téléphone mobile) et de sécurité de l’environnement de travail ; l’obligation d’utiliser les équipements informatiques professionnels. 6/ Citer les équipements fournis Prévoyez aussi d’indiquer la nature de ces équipements: matériel fourni (PC, double écran ? téléphone mobile professionnel ou appels téléphoniques sur PC en mode softphone ?) ; solutions logicielles (accès sécurisé via VPN, serveurs partagés, outils de visio, …). Si l’entreprise en a fait le choix, il peut être fait mention des modalités financières d’accompagnement des salariés en télétravail: dotations financières pour des équipements à domicile, prise en charge de loyer en espace de coworking, … 7/ Rappeler les règles en terme de gestion du personnel Certaines entreprises profitent de cette charte pour rappeler d’autres règles en matière de ressources humaines : droit des salariés, santé et sécurité au travail, droit à la déconnexion, suivi du travail …. 8/ Expliquer le processus d'accès au télétravail Enfin la charte de télétravail doit définir le processus d’autorisation ou de suspension du télétravail (modalités de demande et traitement, décideur, justification des décisions) et ce qui relève de l’appréciation du manager (impératifs de service, périodes de suspension possible du télétravail, amplitude de télétravail, lieux autorisés, appréciation de l'autonomie de la personne, …) pour adapter le dispositif aux besoins du service. Le document pourra comporter en annexes les formulaires de demandes ou le renvoi vers un formulaire de demande en ligne. ConclusionAinsi loin d’être un carcan nouveau, la charte de télétravail élaborée en groupe de travail et en s’appuyant sur l’expérience des collaborateurs peut devenir un repère efficace pour concilier les aspirations individuelles à la flexibilité dans le travail et les besoins des collectifs de travail.
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AuteurEtienne Toulouse, consultant-formateur, intervenant spécialisé sur les nouveaux modes de travail et le développement des territoires AvertissementLes articles de ce blog sont à 100% le produit d'une main et d'une intelligence humaine
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Juillet 2023
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Buxus est le nom botanique latin du buis, arbre emblématique des jardins de France: sa croissance lente et continue ainsi que le travail de taille réalisé par l’homme permettent de lui donner les formes les plus variées et d'assurer sa pérennité.
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